symbole d’une époque sans symbole

Nous vivons un instant mutilé ou impensé de la portée symbolique, de l’automatisation et du numérique, laissée aux mains des multinationales. Rappelons que l’étymologie grecque du mot symbole ramène au sens de mettre en ensemble.  Les multinationales de la Silicon Valley  ont leurs symboles, logos, et grands prêcheurs, (Steve jobs, Mark Zuckerberg, Elon Musk… ) qui mettent ensemble, en liaison unilatérale, leurs produits avec les consommateurs. La société subit l’obsolescente succession de ces objets car la symbolique qui est associée, est celle du changement permanent pour un progrès continu. Cette force du marché, présente, pressante par tous les médiums, distille le symbole, cet intermédiaire immatériel, cette force qui, telle la gravité du globe terrestre, la gravité du monde libéral, attire les désirs de chacun au centre captif d’un noyau d’objets à consommer.                         Le symbole a perdu de sa grandeur. La seule commémoration nationale rendue au chanteur populaire récemment décédé, élevé au rang de héros national, lève le voile sur la symbolique mise à mal. Il y a un effet de cisaillement entre la valeur associée au symbole et la réalité de la valeur symbolisée.  C’est le même jeu de forces opposées qui s’exercent quand sous la pression de la pulsion on achète un objet pour sa valeur symbolique plus que pour son utilité. Chanteur, icone du consumérisme, héros du fétichisme capitaliste, symbole non musical mais symbole d’une époque sans symbole.  

Tout instrument est un Pharmakon, le symbole est un instrument pour mener les peuples.  Le remède à cette époque sans symbole pourrait être de remettre ensemble les Français autour d’une figure symbolique de notre République, Marianne, qui a dépéri car il n’a pas su évoluer. Une Marianne du numérique, des communs, porteuse des symboles qui font prendre conscience à tout un chacun que l’on ne vit plus dans la même époque. Là, est la question, pourquoi Marianne qui a accompagné la République jusqu’ alors a-t-elle été laissée à l’abandon ? Serait-ce parce que la République elle-même le fût ? Sa dernière version en timbre postal dimensionné du symbole du buste d’une Femen, n’est pas à la hauteur du bouleversement que vit notre société. C’est même faire une injure aux symboles multiséculaires successifs qui l’ont habité et qui ont accompagné la conviction républicaine des citoyens. Marianne ne saurait se résumer à un symbole du féminisme. Marianne c’est avant tout la République, la République émancipée des fers de la royauté.                                   Elle est mixte et universelle.                                                                                                                                              Aujourd’hui, on la voudrait émancipée du néolibéralisme, debout, le buste ferme, entourée des technologies numériques comme le prolongement d’une force dans le monde virtuel, sa main gauche posée sur les textes de loi, sa main droite accueillant en sa paume, l’eau, l’air, la terre, la diversité biologique où l’anthropocène est l’échelle à laquelle il faut penser. La valeur symbolique de Marianne est à reconstruire avec les éléments constitutifs de notre époque mais en affichant la volonté de porter encore et toujours l’émancipation des citoyens dans une Nation unie porteuse d’un message adressé au monde. L’enjeu est de taille car dans le monde capitaliste, le logo a plus de force que le symbole et les symboles n’ont plus de sens. Marianne n’est-elle pas devenue le triste logo de l’Etat français ?  Elle n’est plus que la représentation d’une République dégradée tout comme la figure du Président.  Y-a-t-il une Marianne normale comme l’est une présidence normale ?  Non, il n’y a pas de normal en politique, Marianne prend la dimension de l’homme qui préside aux destinées du peuple de France. En 2017, Marianne est en haillons, elle ne porte plus les symboles républicains que l’on projetait en elle. Cet imaginaire, nous devons le reconstruire collectivement dans une vision de progrès comme évoquée précédemment, libérée de celles et ceux qui s’accaparent progressivement des pans de la République pour servir leur idéal partisan.  Marianne fait corps avec le peuple de France et elle doit continuer à nous porter et de la hauteur où nous la poserons, elle redonnerait sens aux symboles.